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Pour que les cœurs battent

La structure tridimensionnelle de l’enzyme GAA, dont le dysfonctionnement est la cause de la maladie de Pompe, permet non seulement de comprendre l’effet d’une centaine de mutations affectant son fonctionnement mais aussi d’offrir un modèle atomique pour la conception de petites molécules, les chaperons pharmacologiques, qui stabilisent l’enzyme. Ces travaux représentent une avancée majeure pour le traitement de la maladie de Pompe, une affection génétique à l’issue souvent fatale.

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Toutes cellules eucaryotes possèdent une organelle qui sert de déchetterie cellulaire, le lysosome. Dans ce compartiment, les résidus de la cellule sont éliminés par l’intervention d’enzymes lysosomales. Ils existent des maladies génétiques, ou l’une de ces enzymes est défaillante, résultant à l’accumulation de déchets dans le lysosome ayant pour conséquence son dysfonctionnement et la mort cellulaire, des tissus et organes environnants. Même si ces maladies génétiques sont rares, elles constituent un grave problème de santé publique. Pour certaines de ces maladies, ils existent des traitements qui consistent à administrer par voie intraveineuse l’enzyme de substitution fonctionnelle produite par génie génétique. C’est le cas de la maladie de Pompe, due au dysfonctionnement de l’enzyme α-glucosidase acide, GAA, dont le rôle est de transformer le glycogène résiduel en glucose. La maladie affecte principalement les tissus et les organes riches en glycogène, les muscles squelettiques, cardiaques et pulmonaires. La forme infantile de la maladie est responsable d’une mort précoce par troubles respiratoires et arrêt cardiaque. La thérapie par administration de l’enzyme recombinante, introduite en 2006, a représenté une avancée majeure pour la survie d’enfants condamnés, mais elle est lourde à supporter, extrêmement couteuse et entraîne des effets secondaires. En fait, l’enzyme GAA recombinante administrée par voie intraveineuse est très instable et rapidement dégradée ou éliminée par le système immunitaire avant de pouvoir atteindre sa cible, le lysosome. Depuis une dizaine d’années, un nouveau espoir thérapeutique de « chaperon pharmacologique » tente de résoudre ces problèmes. Il s’appuie sur le fait que de petites molécules puissent stabiliser l’enzyme soit pendant sa production dans la cellule (endogène), soit pendant son administration (exogène). A ce jour, plusieurs molécules stabilisantes ont été testées en essai clinique pour la maladie de Pompe, mais ces molécules ont le désavantage d’inhiber l’enzyme, en se liant au même endroit que le site actif permettant la transformation du glycogène en glucose. Il apparait donc que pour une conception rationnelle de nouveaux candidats médicaments ayant un rôle de chaperon, la connaissance de la structure tridimensionnelle de l’enzyme GAA est primordiale. Nous avons réussi à déterminer la structure de l’enzyme GAA recombinante dans sa forme mature et en complexe avec plusieurs chaperons pharmacologiques, dont un qui n’inhibe pas l’enzyme mais se lie à un autre site de régulation allostérique. Cette structure, longuement attendue par les chercheurs et médecins travaillant sur la maladie de Pompe, permet de comprendre l’effet d’une centaine de mutations connues pour cette maladie et servira de modèle atomique pour la conception rationnelle de nouveaux chaperons, afin que le cœur des enfants puisse continuer à battre.

Légende de l’illustration : (A) Quand une protéine porte des mutations qui la déstabilisent ou empêchent son repliement, elle est éliminée par un système de contrôle dans les cellules. (B) Les chaperons pharmacologiques stabilisent l’enzyme en lui permettant d’échapper à ce contrôle et de s’acheminer vers le lysosome ou elle peut dégrader le glycogène résiduel. (C) L’enzyme administrée par voie intraveineuse peut être également stabilisée par ces chaperons.

P.-S.

Date de la publication : Octobre 2017, dans le Journal Nature Communications Chercheur référent : Gerlind Sulzenbacher, laboratoire Architecture et Fonction des Macromolécules Biologiques UMR7257 CNRS, Aix-Marseille Université, Gerlind.Sulzenbacher afmb.univ-mrs.fr

jeudi 13 décembre 2018
               

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